Souvent , on m'a demandé quelques notes sur cette passionnante énigme : l'Hypnose qui renvoie au plus profond de la psyché, du Moi , de Soi et de sa Représentation et qui ,bien plus loin que n'importe quel Freud renvoie aux pratiques " magiques " , renvoie tout simplement à cet Arché primitif : l'art tout simplement de Guérir-
ou mieux de changer et de reconstruire et ceci sans aucun autre artifice que la Parole , le Mime ou le Silence , ce don - que chacun posséde à des degrès divers - de soulager son semblable ,
tant cet Art est à la fois simple et compliqué
A ceux là , je donne avec plaisir ces brèves reflexions , en regrettant d'oublier quelques défricheurs actuels - et passés - de cette passionnante énigme , quelques audacieux découvreurs , quelques belles plumes dont la finesse d'analyse ont séduit plusieurs d'entre nous.
car nous les gardons jalousement en nous .
l'Hypnose se donne autant qu'elle se transmet : chacun la manie au grè de son talent mais si les Écoles sont nombreuses , plus encore sont nombreux les charlatans qui la monnaient :
Il en est ainsi de toute Vérité et l'hypnose n'echappe pas à la loi commune qui fait que ceux qui la recherchent le plus ardemmment sont aussi souvent ceux qui sont les moins capables de la recevoir et de la comprendre.
et deviennent , hélas , les pigeons de nombreux vautours
Ces brèves ne sont en fait que la reprise de quelques reflexions autrefois proposées mais qui , je crois , n'ont pas perdu de leur acuité
Je les crois toujours d'actualité et n'y vois rien à changer
Erikson , psychiatre - le maitre à penser d'une génération actuelle qui a peu lu Janet - etait avant tout un psychothérapeute . Il a mis à profit sa propre infirmité pour étudier les ressorts du corps et de l'âme et leur puissante interaction et sans plus s'interroger sur leurs mécanismes , il a appliqué les recettes qu'on peut effectivement tirer d'une bonne observation.
Il a mis ses dures expériences au service de ses patients avec le talent de la quotidienneté qui fait le charme de la culture nord américaine, bien loin de la culture de la vieille Europe beaucoup plus intellectualisée et mal préparée à ses simples images et à cette technique d’apparence si basique que Freud l'abandonna bien vite non sans avoir appris auprès de Bernheim les facilités de la suggestion que jamais il n'abandonnât aprrès avoir rejeté le cirque de Charcot , qui dieu merci s'illustrât ailleurs que dans une hypnose réduite à l'hystérie ....
ce qui fait qu'il est assez difficile de distinguer chez Erickson dans sa pratique quotidienne ce qui relève de la psychologie pure et de l'hypnose vraie:
ce qui montre au moins sa grande ouverture et sa facilité à passer de l'informel au formel , à laquelle on peut ajouter une modestie bien peu fréquente dans ce petit monde plus prompt à claironner d'incertains succès que les echecs beaucoup plus nombreux et incontestables ....
Erickson disait lui même que s'il pouvait alléger le fardeau de ses patients ce n'etait que pour un temps
voila pour en finir avec l'hypnose " guerisseuse "
car l' Hypnose ne guérit pas mais change
L'hypnose imprégne toute l'Histoire , toute les Civilisations , leurs Rites et leurs Pratiques donc la Médecine , de sa préhistoire , de sa magie, de ses pretres à maintenant :
Ceremonie , Parole , Geste , elle ne peut se réduire à aucune liturgie ou aucune définition, au risque de la castrer et de la réduire à telle ou telle technique qui ne représente qu'une des façettes de la " bonne pratique " du Médecin maintenant Praticien et non plus Magicien.: les neurosciences , les possibilités de l’ére numérique bouleversent les idées reçues et l’exercice de cette ancestrale pratique, indissciable de la communication et des echanges humains .
Il reste cependant toujours un brin du Lien , Pont et Wagon de la Relation , effluve et courant de ce fleuve mystérieux et souterrain , éclat de cette lumière ardente et incertaine , vive et insaisissable comme le reflet irisé de l'eau du ruisseau , de la rivière dans la clairière , du jaillissement du torrent , fond , trame et toile des circonstances de la " guérison " dont le praticien est à la fois à la fois acteur , metteur en scène , tisserand .... et indifférent .
Car l'hypnose va au delà de la simple connaissance du Moi , de Soi , de l'Apparence et de la Texture , elle investit tous les Lieux du Corps , elle est dynamique , immédiate , essentiellement thérapeutique, fondée- non sur la seule maestria du praticien - mais sur la capacite personnelle de mobilisitation de la réactivité du patient , dont on ignore encore beaucoup sur le moteur , la cartographie , le jeu :
La Transe est loin d'etre sortie de la Caverne ou du Laboratoire , et n'en exclue ni les cornues ni les chimiques extractions ni non plus les très personnelles élucubrations .
Le " fait hypnotique " ne se définit pas , ne s'enferme - au contraire de l'homoeopathie , de la psychanalyse - dans aucune dogmatique . Au gré de l'Esprit , il se dépeint et se décline différemment selon les époques , les évolutions de la pensée scientifique dont il emprunte le reflet , la terminologie , tout en gardant le principe majeur ,le réarrangement de la personnalité désagrégée , ( Janet ) dissoute ( Ey ) dont, par une autre dissociation peu ordinaire - la transe - que seul le patient autorise s'il le peut , dont il a seul la clé , dont il mesure seul la portée , dont seul il taille les degrés -, il retablit une nouvelle architcture , une nouvelle harmonie
Merveilleuse Alchimie qui ne touche en rien à la Chimie .....
Tout l'art du thérapeute est de rester l'arche et l'aiguillage qui permettent au convoi de rester sur la voie et les rails, tâche malaisée, dont le praticien avisé aperçoit vite l'ampleur, les limites, et partant la nécessité de complémentarité des Disciplines .
Certains privilégient la métaphore , d'autres sont plus directifs , provocateurs , certains aiment le silence propice à de nombreuses Reconstructions , si cher à Chertock , et si je regrette ( peu) la défenestration de Coué , je reconnais l'ingéniosité , le bon sens pratique d'Erickson même s'il est peu ou très mal rendu par ses emphatiques admirateurs.
J'aime l'art suggestif de l'école de Nancy, j'aime peu l'hystérique theatralité des spectacles de Charcot à la Salpetrière , j'aime surtout le travail du patient lui même et celui du praticien penché sur le moindre signe annonciateur
et parmi ceux qui ne sont pas cités , certains me sont aussi sans doute plus familiers:
Azam plus que Braid , Liebeault plus que Bernheim , Delboeuf bien sûr
et Janet ,étonnament moderne , étonnament méconnu et pourtant un des
vrais " passeurs "de cette ambigüité....
Avant de fermer cette revue non exhaustive je ne voudrais pas oublier
- des " pères fondateurs " comme de Puysegur , Deleuze, Bertrand
sans minimiser de Faria
-des contemporains de Chertock à Roustang en passant par Kubic ,
- des reprouvés comme janot Hoareau, le maitre didactique actuel de cet art fugitif
- des historiens aguerris comme Barrucand ,jacqueline Carroy et Darnton
- des Philosophes comme Maine de Biran , Taine , Bergson
-des poétes comme Poe , de Nerval
`- des ecrivains comme Steinberg
- des essayistes comme Stengers , Palazzi
- des chefs d'ecoles françaises cités plus loin
- et bien sûr tous ceux que j'ai - volontairement ou non - oubliés ......
La technique parait secondaire - bien plus que ne le disent les héritiers de l'école de Palo Alto : elle est seulement déterminée par la personnalité , la richesse de l'imaginaire - du praticien et du sujet -leurs capacités d'attention , d'adaptation et de réactivité :
autant que par le vécu du mal que seul le patient pourra déclouer du fauteuil.
L' apprentissage est souvent fastidieux , forcément diversifié .
Bien après le grand initiateur moderne que fût Chertock :
- La Socièté Française d'Hypnose sous l'impulsion de janot Hoareau ,
- les écoles Ericksonniennes avec ou sans Godin ,
le laboratoire de Michaux
ont apporté pour beaucoup la formation initiale, montré les possibilités mais aussi les limites , les dangers également de cet abord thérapeutique .
Il est bien sûr nécessaire de confronter sa pratique au sein de groupes , de colloques et de journées comme celles de Lille et d'ailleurs mais en définitive seules l'écoute , l'observation , les réactions du patient permettent de définir une " bonne pratique " surtout pour le médecin généraliste , car cette " voie royale " du Soulagement lui est maintenant largement réouverte, s'il le désire , si son esprit le porte vers cette " poétique " :
Liebault etait un médecin de campagne .Il devint le Maitre de Bernheim.
L'approche du Médecin est cependant assez différente de celle du Psychothérapeute car l' éxigence médicale est différente de celle du soutien psychologique , tant sur le plan de la demande du patient que sur celui de la réponse, de la déontologie , de l'ethique médicales .Si les pratiques doivent etre confrontées , elles ne doivent pas etre confondues .Il n'est pas inutile de rappeler la spécificité du Médecin dans la connaissance des mécanismes de la pathologie et de son retentissement à une époque où foisonnent les abords issus de la pensée magique dont on retient isur ce site les passes de Mesmer , le remède de Hahneman , le divan de Freud
un paralléle peut etre tenté entre ces trois “inventeurs “
Haruspice, Freud fouille les entrailles à l'aide des mythes du passé plus ou moins arrangés et le patient en fera une lecture source de sa propre connaissance et peut etre ( re)naissance .
Observateur , Hahnemann interroge la nature à la recherche du remède ressemblant qui pouura préaccorder le patient .
Agitateur , Mesmer , lors de la transe projette le patient hors de ses ornières vers un futur créateur , si redoutable alchimie que l'hypnose garde un aspect sinon encire sulfureux au moins controversé qu'atténue peu à peu l'apport des neurosciences
FAUT-IL QUE LE MÉDECIN EN EMPRUNTE TOUS LES CHEMINS ?
Pour toute ces raisons ,en raison de sa formation , de son exercice ,concernant la seule hypnose , , certainement pas ,
au moins pas tout seul , mais dans un cadre multidisciplinaire ,dans le permanent souci de l' Ethique Médicale , dans le respect des règles communément admises de la Déontologie .
Il peut alors etre le participant d'une stratégie partagée
le coopérant d'un travail dont la maitrise appartient au patient ,
et dont le mouvement librement consenti va régler la liturgie , la scénique conjuratoire et quelquefois libératoire
L'homme orchestre n'existe pas , le "médecin " deus ex machina " non plus....
Les lieux du Corps ne sont pas des théatres anodins , et sous les addictions , sous la fonte des graisses , sous les peurs et phobies ,les traumatismes simples , multiples ou aggravés , les " simples " colites comme sous les douleurs physiques les plus "organiques " etc s'expriment souvent d 'étonnants replis , de grave conflits , voire des noeuds inextricables que
l'hypnose peut faire ressurgir de la façon la plus impromptue quelquefois explosive et souvent difficile à maitriser
et qu'il est vain et dangereux de vouloir résoudre seul , par leur seule "recomposition " par un incertain recadrage , voire par une très délicate et redoutable " remémorisation/ regression " d'un imaginaire dont on sait le foisonnement nébuleux et la redoutable exubérance:
les vrais Praticiens en savent les grilles de décodage et s'en méfient comme de la peste.
Ils connaissent leurs limites, et souvent la nécessité de passer
à d'autres therapeutiques exercées par des praticiens aussi
expérimentés qu'eux dans leur domaine , aussi modestes aussi.
Une fois bien délimité le champ d’exercice de cette pratique les médecins généralistes me paraissent concernés
par le lien et la résonance de l'acte médical , si routinier soit- il
En sachant que la voie est etroite entre bonne pratique et dérives et que les echecs voire les risques apparaissent pour
le moins aussi fréquents que les succès thérapeutiques.
Mais n'est ce pas la difficulté de tout l 'Art Médical ?
Alain Lemoyne de Vernon
Docteur en Médecine
06000 Nice . fr
devernon06@gmail.com